25 - Raphaël Zacharie de IZARRA

Farouchement homophobe, ardent militant anti-avortement, promoteur de la vertu universelle, phallocrate primaire décomplexé, j’ai la république en horreur, mets le gauchisme à ma droite et ajoute du Ciel à tous mes plats.

Ca c’est mon terrestre aspect, rugueux, âpre, furieux et follement temporel.

Epris des hauteurs, cela ne m’empêche nullement d’avoir mes faiblesses. Et mes chutes sont d’autant plus vertigineuses que ma couronne est éclatante. Plus les âmes sont grandes, plus elles risquent de tomber de haut, ce qui est exactement mon cas. Je suis hautement responsable de tous mes écarts de conduite, de pensées, de paroles, tandis que l’homme du commun l’est beaucoup moins. Lui a droit à l’indulgence humaine et divine, moi pas : mon éveil spirituel, ma position privilégiée entre la Terre des illusions et le Soleil de la vérité m’oblige à des devoirs supérieurs, chose dont j’ai parfaitement et permanente conscience.

L’exceptionnelle exigence est la norme naturellement imposée aux astres de mon espèce.

Mes faux-pas sont les fruits non pas de mon ignorance, de ma bêtise ou de mes maladresses mais bien au contraire de mes choix royalement assumés, de ma pleine volonté de descendre parfois dans la boue, de mon intelligence mise au service des bassesses de mon incarnation, ce qui est d’autant plus grave.

Mais c’est également cette immense clarté en moi, ce libre-arbitre aux pôles extrêmes qui me donnent des ailes aussi vastes. Ce qui fait la gloire de mes ascensions, c’est ma liberté de plonger dans l’abîme. Sans cette liberté d’aller où je veux en totale conscience, mes montées n’auraient aucune valeur. C’est parce que j’ai le choix entre l’or et la misère que mes profondeurs sont sans mesure, quand d’autres moins éveillés que moi -donc moins exposés à la flamme spirituelle- sont bornés entre la paille et le foin. Leur éclairage est bref et leur pain quotidien est leur unique horizon. Ma lumière est illimitée et les galaxies sont mon ordinaire mesure.

Eux risquent peu de se brûler au feu des étoiles, d’éprouver le vertige de l’infini, de s’asseoir au bord de l’Univers, leurs culpabilités ou mérites étant moindres. Certes, mais ils s’élèvent peu.

Mon stade d’évolution intérieur est si avancé que la distance entre eux et moi leur est intolérable. Mon flambeau humilie leur chandelle et pour eux cet éblouissement est comme une agression. Une injure à leurs oeillères, un outrage à leur petitesse, une offense à leurs déficiences. Et ils appellent “haine”, “misanthropie” ou “intolérance” ce qui chez moi n’est que grandeurs, pénétration, esprit.

Eux sont trompés par les vagues du siècle qui les bercent et les endorment, quand j’embrasse l’océan entier de mon regard d’albatros, loin de leurs minuscules tempêtes, hors de leur portée de fourmis.

Je ne cache pas les corruptions de mon être, les indécences de ma sensualité, les ruines de mes jours sombres, les mesquineries de mon caractère et le ridicule de mon égocentrisme, et si je me vante d’une chose, ce n’est pas de mes péchés mais de ma sincérité à les reconnaître.

Oui j’ai moi aussi mes côtés misérables car étant fait de chair, d’imperfections, de tares, de peurs et de vanités, je suis moi aussi un humain comme un autre. Mais ce qui me distingue radicalement des pervers, des irresponsables, des menteurs, des rêveurs, c’est que je ne glorifie pas mes sacrilèges, je n’appelle pas “noir” ce qui est blanc, "jour" ce qui est ténèbres", je ne confonds pas la rose avec le fumier, je ne cherche pas à changer la fange en onde pure juste en travestissant le langage...

Mes frères, mes pieds pataugent dans vos mêmes noirceurs, mais mes sommets sont enneigés.

Bref, je suis comme vous tous : sujet aux tentations, lâchetés et médiocrités de l’existence.